31 janvier 2019

Portraits de
parisiens

Le cordonnier qui murmurait à l’oreille des oiseaux

Ce n’est pas parce qu’il a un accent incroyable que Jimenez intrigue. Ni même parce que l’on aperçoit souvent sa petite silhouette chaloupée et chapeautée en passant par la rue de l’Arbalète. Pas plus parce qu’il possède sa cordonnerie depuis 47 ans et qu’à l’intérieur rien ne semble avoir changé. Non, ce qui rend Jimenez si atypique, c’est qu’il n’est pas celui que l’on attend. Lui, le discret, préférant souvent laisser Ismaël son fidèle compagnon d’atelier parler à la clientèle, a pourtant une belle histoire à raconter.

Cordonnier Jimenez Fernandez

12, rue de l'Arbalète, 75005 Paris

Je travaillais en face de France Soir. Philippe Bouvard qui était directeur du journal à l’époque venait au café boire des coups avec nous !

Elle commence en Espagne où son père était berger et où il apprend son métier dès 11 ans chez un patron. Il montre quelques modèles de chaussures en cuir qu’il a réalisé à l’époque entièrement à la main. Arrivé en France, il fait des petits boulots, des parties de foot avec Belmondo, trouve une place de cordonnier aux Galeries Lafayette puis au Printemps avant de s’établir à son compte. Depuis toujours dans sa cordonnerie, il laisse la porte ouverte à tous, même aux oiseaux !

Moi, je n’aime pas les cages, ça fait prisonnier et eux ils n’ont commis aucun délit. Je veux qu’ils soient en liberté !

Les oiseaux ? Ce sont les gens qui lui amène. Au début j’en avais un ou deux, maintenant ils sont sept ! « On leur donne à manger, on nettoie et on les laisse voler dans l’atelier. Les gens posent des questions : « pourquoi ne s’échappent-ils pas ? Mais chez moi, ils sont en liberté pas besoin de s’échapper, ils ont à manger et sont au chaud ! Et ils volent à droite et à gauche, ils font même du volley ! J’aime siffler avec eux, ils sont très gentils. Il fut un temps, bien avant que la radio existe, ou les cordonniers vendaient aussi des Canaris. C’était une tradition dans les cordonneries, il y a d’ailleurs des tableaux au Louvre où l’on aperçoit des cages dans les ateliers » explique-t-il en montrant une gravure encadrée sur son mur.

 

Dans le commerce, il y a des jours très bons et des jours très mauvais

Aujourd’hui, les temps ont changé, même si les oiseaux restent fidèles à leurs postes, les ressemelages se font moins. « Avant on faisait plus de 50 paires par semaine, maintenant, les gens achètent des chaussures moins chères, ils préfèrent en racheter une paire qu’entretenir les leurs et les jeunes ne veulent porter que des baskets ! ». Une réalité pas tous les jours facile à gérer, mais pas de quoi donner à Jimenez un coup de pompe pour autant !